Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/99

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Est-ce loin, si loin que ça ? Y a-t-il longtemps qu’il est en voyage, lui ?...

Le voici ! Que c’est Lui ? Oh, quelle pourrait avoir avec lui des incompatibilités d’humeur ?

Le gentil Chevalier a mis le pied sur le rivage. Mais avant tout, flattant de la main le col en proue de son beau cygne taciturne et tout héraldique :

« Adieu et grand merci, mon beau cygne quadrige, reprends ton vol contre cet horizon qu’obstrue la Pleine Lune, franchis les giboulées d’étoiles, double le cap du Soleil, et revogue entre les berges caillées des myriades de la Voie-Lactée, vers nos lacs sans pareils de Saint-Graal ; va, mon petit cœur ! »

Le cygne éploie ses ailes, et, s’enlevant tout droit dans un frémissement imposant et neuf, cingle, cingle à pleines voiles et bientôt s’efface tout par delà la Lune.

Oh, sublime façon de brûler ses vaisseaux ! Noble fiancé !

Quand on l’a dûment perdu de vue, silence glacial et un peu provincial. Le Chevalier s’avance, à peine intimidé, et dit :

« Je ne suis nullement Endymion. J’arrive tout droit de Saint-Graal. Parsifal est mon père ; je n’ai jamais connu ma mère. Je suis Lohengrin, le Chevalier-Errant, le lis des croisades futures pour l’émancipation de la Femme. Mais, en attendant, j’étais trop malheureux dans les bureaux de mon père. (Je suis un peu hypocondre par nature.) Oh ! Je viens épouser la belle Elsa au col de