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CHAPITRE TROISIÈME

SORCELLERIE (suite) :
LA MAUVUE[1], OU LE MAUVAIS ŒIL ;
LE SORCIER MALGRÉ LUI.

Quant aux sorciers, on les dict avoir des yeulx offensifs et nuisants.
(Montaigne, Essais, liv. I, ch. xx)

On sait que, d’ordinaire, toutes les espèces de sorciers tiennent directement leur pouvoir de l’éternel ennemi du genre humain, du Diable ; aussi les a-t-on généralement et à bon droit en grande abomination. Cependant, on connaît en Berry une sorte de jetteux de sort, qu’il serait injuste d’envelopper dans le même anathème, car ils n’ont pas toujours la conscience du mal qu’ils peuvent faire à leur prochain. Leur fatale influence gît, assure-t-on, dans leur regard ; ils ont ce que l’on appelle le mauvais œil, ou ce que l’on nomme, dans quelques-uns de nos cantons, la mauvue, c’est-à-dire que sciemment ou à leur insu, leur regard porte malheur.

Ces sorciers-là, avons-nous dit plus haut, ont beaucoup de ressemblance avec les jettatori du royaume de Naples ; ils rappellent aussi ces enchanteurs illyriens dont le regard,

  1. Mauvue, pour mauvaise vue ou mauvais œil : — « Mon bétail dépérit, il a la mauvue, c’est-à-dire il est ensorcelé.  » — Voy. le mot Mauvue dans le Glossaire du Centre. Voy. aussi, plus haut, p. 179, note 2, ce qui concerne la signification de la syllabe mau, lorsqu’elle entre dans certains mots composés.