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corridors conduisant des cabines à la salle à manger, une belle et grande jeune fille que personne n’avait vue de l’avant-midi et que quelques personnes seulement savaient être à bord, pour l’avoir vue embarquer précipitamment au départ du navire. Ses cheveux châtains légèrement bouclés, tombant élégamment sur ses épaules, contrastaient avantageusement avec les cheveux à la garçonne de la plupart des autres femmes présentes. Un large front surplombant deux yeux limpides, donnait à cette jeune fille un aspect sortant de l’ordinaire. Toute l’âme de l’Acadie martyre se reflétait dans la mélancolie des yeux de cette adolescente, descendante des habitants de Grandpré, sur la figure desquels la longue souffrance a laissé son empreinte ineffaçable.

— Elle ressemble à la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus, chuchota une femme du pays.

— Moi, c’est à sainte Cécile que je trouve qu’elle ressemble, répondit sa voisine de table.

What a beautiful girl ! murmuraient les Américains qui avaient laissé retomber leurs cuillers, figés d’admiration devant cette enfant à la mise pourtant bien simple.

Ceux qui ne dirent rien n’en pensèrent certainement pas moins, si on peut en juger par l’attention dont elle fut l’objet.

Avant de prendre son siège que lui désigna le garçon de table, Angéline Guillou fit un grand signe de croix et récita son Benedicite, sans plus d’ostentation ni de respect humain, que si elle eût été attablée avec ses compagnes de pensionnat.

— Contente de retourner chez nous, la petite ? fit le capitaine rompant le premier le silence.

— Ah ! oui, Monsieur le Capitaine ; on est toujours heureuse de revoir son pays, un père chéri, une mère adorée et des frères et sœurs aimés, sans compter les quatre derniers, nés après mon départ, et que j’ai bien hâte de voir. Il y a si longtemps que je les ai vus tous ! Il y aura en effet cinq ans le 28 août, si vous vous rappelez bien, Monsieur le Capitaine, que je quittai la Rivière-au-