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— Je voa que vo parlez le real parisian french car je vo comprendre très bien.

— Et moi aussi, Madame, ce qui prouve qu’entre le français de Paris et le français du Canada il n’y a qu’une nuance.

— Mon professor avait cependant dit à moa que les Canadiens paarlaaient patois.

— Tout comme les Anglais de Londres prétendent que vous parlez « Slang » en Amérique, répondit Angéline d’un petit air moqueur.

— Mais ils ont tort, répondit-elle vivement en anglais.

— Comme votre professeur, Madame, dit Angéline en s’approchant du piano.

— Silence ! cria une grosse voix du fond du salon.

Angéline Guillou exécuta avec tant d’entrain une valse dansante qu’elle saisit bientôt les pas cadencés des danseurs qui s’étaient mis en mouvement, entraînés par son exécution.

Ses joues se colorèrent légèrement à la pensée que son jeu pouvait être la cause de cette sauterie improvisée ; mais pour ne pas désappointer ses admirateurs, elle continua sa valse si bien commencée.

Elle attaqua ensuite : Rapsodie Hongroise de Liszt avec une telle maîtrise que tous s’assirent comme s’ils eussent obéi à une baguette de fée.

L’héroïne de l’heure dut aussi y aller de sa voix, à la demande générale. Elle chanta, autant pour épancher son cœur que pour plaire à ses auditeurs, une parodie du « Petit Mousse Noir » qu’elle semblait improviser sur le champ. Les gens du pays couvrirent son chant d’applaudissements pendant que les Américains essayaient de se faire traduire cette chanson dont ils n’avaient saisi que l’air.

Angéline Guillou regarda l’heure à l’horloge, salua gracieusement l’assistance, et, de son pas assuré, se retira à sa cabine.

La modestie de celle qui venait de s’éclipser si volontairement, au lieu de rester pour recueillir les applaudissements qui l’avaient suivie à sa cabine, lui interdisait de