Page:Lamande - Castagnol.djvu/25

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mais dès que j’eus fait connaissance avec notre cher Escarbagnac, — eh ! buvez donc, — j’ai envoyé mes livres par dessus les murs du bal Bullier. Les conseils de cet excellent homme, mes connaissances en droit et, je puis le dire, mon sens inné des affaires, m’ont démontré la vanité du savoir livresque. Si l’on songe aux progrès de la science et à l’engouement de la jeunesse pour les professions libérales, on peut prophétiser que les intellectuels seront voués, avant trente années, aux pires conditions matérielles. Ils seront trop nombreux dans leur corporation, et leur orgueil fait qu’ils ne pourront jamais s’entendre. Même leur savoir n’éblouit qu’à distance et ne sert pratiquement à rien. L’avenir — encore quelques gouttes de cet excellent vin chaud à la canelle — appartient aux classes commerçantes. Bientôt les yeux s’ouvriront, et l’on se rendra compte qu’un marchand de moutarde, qui excite l’appétit, mérite plus de considération et d’argent que le romancier dont les livres engendrent le sommeil. Aussi mon choix est fait. J’étais étudiant ;