Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/26

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choses de la même manière, tant est grande la force qui entraîne l’homme vers ses habitudes.

C’est ainsi que les Botanistes, habitués à observer les organes sexuels d’un grand nombre de plantes, veulent que toute plante, sans exception, ait de semblables organes. En conséquence, plusieurs d’entr’eux ont fait tous les efforts imaginables à l’égard des plantes cryptogames ou agames, pour y découvrir des étamines et des pistils ; et ils ont mieux aimé en attribuer arbitrairement et sans preuves les fonctions à des parties dont ils ne connoissent pas l’usage, que de reconnoître que la nature sait parvenir au même but par différens moyens.

On s’est persuadé que tout corps reproductif est une graine ou un veuf, c’est-à-dire un corps qui pour être reproductif a besoin de recevoir l’influence de la fécondation sexuelle. C’est ce qui a fait dire à Linnée, omne vivum ex ovo. Mais nous connoissons très-bien maintenant dans les végétaux, ainsi que dans les animaux, des corps reproductifs, qui ne sont ni neufs ni graines, et qui conséquemment n’ont aucun besoin de fécondation sexuelle. Aussi ces corps sont-ils conformés différemment, et se développent-ils d’une autre manière. Ce sont les bulbes et les gemmes dont je veux parler, et au moyen desquels quantité de végétaux et quantité d’animaux se régénèrent.

Faites bien attention au principe général que je vais vous exposer, et lorsque vous l’aurez suffisamment constaté, en le soumettant à l’examen des faits qui le concernent, vous en retirerez toute la lumière nécessaire pour concevoir une des plus importantes opérations de la nature, la régénération des individus : le voici.

Tout corpuscule végétal (ou animal) qui sans se débarrasser d’aucune enveloppe, s’étend, s’accroît et devient un végétal (ou un animal) semblable à celui dont il provient, n’est point une graine (ni un œuf)  : il ne subit aucune germination (ou n’éclot point) après avoir commencé de s’accroître, et sa formation n’a exigé aucune fécondation sexuelle. Aussi ne contient-il aucun embryon enfermé dans des enveloppes dont il soit obligé de se débarrasser, comme la graine ou l’œuf.

Or suivez attentivement les développemens des corpuscules reproductifs des algues, des champignons, &c. ; et vous verrez, comme je l’ai vu moi-même, que ces corpuscules ne font que s’étendre et s’accroître pour prendre insensiblement la forme du végétal dont ils