Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/4

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sous tous les rapports qu’ils peuvent présenter, enfin il faut s’attacher à la recherche de quantité de vérités constantes que l’observation suivie de la nature peut seule nous faire obtenir.

Ainsi, profitant des nombreux matériaux préparés par les naturalistes, nous les considérerons toujours comme des moyens pour arriver à la science, et non comme constituant la science elle-même.

Par cette voie, nous parviendrons à connoître particulièrement, et à bien juger les objets de nos études ; nous nous formerons une idée plus juste de leur nature, de leurs rapports réciproques, des causes de leur diversité, de celles de leurs variations ; nous pourrons même arriver jusqu’à entrevoir leur véritable origine, et nous nous dépouillerons de quantité de préventions qui entravent pour nous les vrais progrès de nos connoissances.

Par exemple, la partie du travail des naturalistes qui concerne la détermination de ce qu’on nomme espèce, devient de jour en jour plus défectueuse, c’est-à-dire plus embarrassée et plus confuse ; parce qu’on l’exécute dans la supposition presque généralement admise, que les productions de la nature constituent des espèces constamment distinctes par des caractères invariables, et dont l’existence est aussi ancienne que celle de la nature même.

Cette supposition, qui n’a rien de fondé, fut établie dans un temps où l’on n’avoit pas encore observé, et où les sciences naturelles étoient à-peu-près nulles. Elle est tous les jours démentie aux yeux de ceux qui ont beaucoup vu, qui ont long-temps suivi la nature, et qui ont consulté avec fruit les grandes et riches collections de nos Museum.

L’espèce, vous le savez, n’est autre chose que la collection des individus semblables ; et vous l’avez cru jusqu’à présent immutable et aussi ancienne que la nature, d’abord parce que l’opinion commune le présentoit ainsi ; ensuite parce que vous avez remarqué que la voie de la génération, ainsi que les autres modes de reproduction que la nature emploie, donnoient aux individus la faculté de faire exister d’autres individus semblables qui leur survivent. Mais vous n’avez pas fait attention que ces régénérations successives ne se perpétuoient sans varier, qu’autant que les circonstances qui influent sur la manière d’être des individus ne varioient pas essentiellement. Or, comme la chétive durée de l’homme lui permet difficilement d’appercevoir les mutations considérables que subissent toutes les parties de la surface du globe, dans leur état et dans leur climat, à