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MÉDITATIONS

Mais que dis-je ? on aime à tout âge :
Ce feu durable et doux, dans l’âme renfermé,
Donne plus de chaleur en jetant moins de flamme ;
C’est le souffle divin dont tout homme est formé,
Il ne s’éteint qu’avec son âme.

Étendre son esprit, resserrer ses désirs,
C’est là le grand secret ignoré du vulgaire :
Tu le connais, ami ! cet heureux coin de terre
Renferme tes amours, tes goûts et tes plaisirs ;
Tes vœux ne passent point ton champêtre domaine,
Mais ton esprit plus vaste étend son horizon ;
Et, du monde embrassant la scène,
Le flambeau de l’étude éclaire ta raison.

Tu vois qu’aux bords du Tibre, et du Nil et du Gange,
En tout lieu, en tout temps, sous des masques divers,
L’homme partout est l’homme, et qu’en cet univers
Dans un ordre éternel tout passe, et rien ne change ;
Tu vois les nations s’éclipser tour à tour
Comme les astres dans l’espace ;
De mains en mains le sceptre passe ;
Chaque peuple a son siècle, et chaque homme a son jour.

Sujets à cette loi suprême,
Empire, gloire, liberté,
Tout est par le temps emporté :
Le temps emporta les dieux même
De la crédule antiquité,
Et ce que les mortels, dans leur orgueil extrême,
Osaient nommer la vérité !

Au milieu de ce grand nuage,
Réponds-moi : que fera le sage