Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
POÉTIQUES.


Repassons nos jours, si tu l’oses !
Jamais l’espoir des matelots
Couronna-t-il d’autant de roses
Le navire qu’on lance aux flots ?
Jamais d’une teinte plus belle
L’aube en riant colora-t-elle
Le front rayonnant du matin ?
Jamais, d’un œil perçant d’audace,
L’aigle embrassa-t-il plus d’espace
Que nous en ouvrait le destin ?

En vain, sur la route fatale
Dont les cyprès tracent le bord,
Quelques tombeaux par intervalle
Nous avertissaient de la mort ;
Ces monuments mélancoliques,
Nous semblaient, comme aux jours antiques,
Un vain ornement du chemin ;
Nous nous asseyions sous leur ombre,
Et nous rêvions des jours sans nombre
Hélas ! entre hier et demain !

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l’onde transparente
Deux couples par l’amour conduits,
Tandis qu’une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !