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POÉTIQUES.


Jamais aucune main sur la corde sonore
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore :
L’homme n’enseigne pas ce qu’inspire le ciel ;
Le ruisseau n’apprend pas à couler dans sa pente,
L’aigle à fendre les airs d’une aile indépendante,

L’abeille à composer son miel.


L’airain, retentissant dans sa haute demeure,
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure
Pour célébrer l’hymen, la naissance ou la mort :
J’étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,

En tirait un sublime accord.


Telle durant la nuit la harpe éolienne,
Mêlant au bruit des eaux sa plainte aérienne,
Résonne d’elle-même au souffle des zéphyrs.
Le voyageur s’arrête, étonné de l’entendre ;
Il écoute, il admire, et ne saurait comprendre

D’où partent ces divins soupirs.


Ma harpe fut souvent de larmes arrosée ;
Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée ;
Sous un ciel toujours pur le cœur ne mûrit pas ;
Dans la coupe écrasé le jus du pampre coule,
Et le baume flétri sous le pied qui le foule

Répand ses parfums sur vos pas.


Dieu d’un souffle brûlant avait formé mon âme ;
Tout ce qu’elle approchait s’embrasait de sa flamme.
Don fatal ! Et je meurs pour avoir trop aimé !
Tout ce que j’ai touché s’est réduit en poussière :
Ainsi le feu du ciel tombé sur la bruyère

S’éteint quand tout est consumé.