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MÉDITATIONS POÉTIQUES.

Suis-moi dans les détours de ce golfe tranquille ;
Retournons sur ces bords à nos pas si connus,
Aux jardins de Cynthie, au tombeau de Virgile,
Près des débris épars du temple de Vénus :
Là, sous les orangers, sous la vigne fleurie
Dont le pampre flexible au myrte se marie,
Et tresse sur ta tête une voûte de fleurs,
Au doux bruit de la vague ou du vent qui murmure,
Seuls avec notre amour, seuls avec la nature,
La vie et la lumière auront plus de douceurs.
De mes jours pâlissants le flambeau se consume,
Il s’éteint par degrés au souffle du malheur,
Ou s’il jette parfois une faible lueur,
C’est quand ton souvenir dans mon sein le rallume.
Je ne sais si les dieux me permettront enfin
D’achever ici-bas ma pénible journée :
Mon horizon se borne, et mon œil incertain
Ose l’étendre à peine au delà d’une année.

Mais s’il faut périr au matin,

S’il faut, sur une terre au bonheur destinée,

Laisser échapper de ma main
Cette coupe que le destin

Semblait avoir pour moi de roses couronnée,
Je ne demande aux dieux que de guider mes pas
Jusqu’aux bords qu’embellit ta mémoire chérie,
De saluer de loin ces fortunés climats,
Et de mourir aux lieux où j’ai goûté la vie.