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PRÉFACE GÉNÉRALE.

Si j’avais à recommencer la vie, sachant ce que je sais, je n’y chercherais pas le bonheur, parce que je sais qu’il n’y est pas, mais j’y chercherais soigneusement l’obscurité et le silence, ces deux divinités domestiques qui gardent le seuil des moins malheureux.

Si donc je livre encore mon nom presque posthume aux retentissements et aux controverses littéraires de mon temps, si je désire que la critique ou l’indulgence fassent encore un peu de bruit utile autour de ces volumes, ce n’est pas que j’aie le goût de la publicité, c’est que j’y suis condamné comme à mon supplice. Je paye la vaine gloire de ma jeunesse par l’humiliation de mes jours avancés.

Pourquoi ai-je réveillé l’écho qui dormait si bien dans les bois paternels ? Il me poursuit maintenant que je voudrais dormir à mon tour. C’est sa vengeance et c’est mon expiation.

Je le dis sans aucune fausse modestie, je ne crois pas léguer un héritage de chefs-d’œuvre à la plus courte postérité. J’ai trop écrit, trop parlé, trop agi, pour avoir pu concentrer dans une seule œuvre capitale et durable le peu de talent dont la nature m’avait plus ou moins doué. Comme le grand oiseau du désert (qui n’est pas l’aigle), j’ai semé dans le sable çà et là les germes de ma postérité, et je n’ai pas assez couvé pour les voir éclore les œufs dispersés du génie.

J’ai eu de l’âme, c’est vrai ; voilà tout. J’ai jeté quelques