Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/102

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Après avoir ainsi versé l’eau de leurs cœurs,
Chacun tira ses dieux de leurs arches de fleurs,
Et, les plaçant au seuil de ces antres sauvages,
Les pria d’habiter et d’aimer ces rivages.
C’étaient de vils objets où l’adoration
Profanait la pensée et la création :
Des plantes, des cailloux, des écorces bizarres,
Du lit séché des flots les coquillages rares ;
Tout ce qui séduit l’œil et fixe le regard,
Ce qu’accouple un vain songe ou présente un hasard ;
Du besoin d’adorer, d’espérer et de craindre,
Vil assouvissement que l’homme aime à se feindre.
Chacun avait le sien aux autres préféré,
Qu’on troquait, qu’on vendait, qu’on brisait à son gré,
À qui l’on prodiguait le respect ou l’insulte
Selon que le hasard vérifiait le culte.
C’était à qui d’eux tous adorerait le mieux.
Mais les esclaves seuls n’avaient jamais de dieux !
Leur main eût profané ces idoles immondes ;
La malédiction leur fermait les deux mondes :
Et sur les dieux volés si leur main s’étendait,
Sous mille bras levés la loi les lapidait !

Quand il eut du retour accompli les mystères,
Et rallumé le feu dans la cendre des pères,
Tout le peuple pasteur, à l’abri des méchants,
Sur les rives du fleuve et sur les prés penchants
Se répandit en paix, comme une ruche pleine
Se répand sur les fleurs autour d’une fontaine ;