Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/120

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Que je n’ai pas subi, que je n’ai pas reçu,
Mais qu’avec mes pensers moi-même j’ai tissu !
Va, rends-moi mille fois ma liberté ravie,
Je reviendrai toujours t’agenouiller ma vie ;
Je reviendrai toujours, esclave, en ton chemin
Mettre un pied sur ta trace, et mon cou sous ta main. »
Et Daïdha pleurait aux étranges paroles,
Et Cédar reprenait : « Ô mes seules idoles !
Gazelle apprivoisée, et dont l’œil est si doux
Que le lion la lèche et n’a plus de courroux,
Tiens, touche-moi ! Tu vois ! un geste me possède !
À ton moindre désir comme aussitôt je cède !
Comme du fond des bois à ton signe je viens
Obéir à tes yeux et baiser mes liens !
Oh ! ne crains donc jamais que ton lion s’enfuie ;
Que de sa servitude à la fin il s’ennuie ;
Qu’à son nom une fois il ne réponde pas :
Le désert est pour lui la place où tu n’es pas !
Tes yeux sont à mon cœur ce qu’aux saisons brûlantes
Le feu qui marche au ciel, le soleil, est aux plantes.
Partout où tes regards s’abaisseraient sur moi,
Je m’enracinerais sous ces rayons de toi !
Mais dis-moi seulement un seul mot de ta bouche,
Ce que l’on dit au chien qui lèche et qui se couche ;
Entre tes longs cils noirs entr’ouvre-moi mes cieux ;
Donne-moi ce frisson du cœur délicieux
De ta main sur ma main, geste dont tu me calmes,
Comme un frisson du vent dans les fibres des palmes ! »
Et l’enfant, qu’à sa voix le bonheur suspendait,
Faisait innocemment ce qu’il lui demandait,