Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour savourer le coup prolongeant le tourment,
Il ne donnait la mort qu’avec raffinement.


Cette panthère humaine en présentait les formes :
Ses gigantesques bras étaient longs et difformes ;
Ses membres disloqués, mal attachés au corps,
S’emmanchaient pesamment à son buste distors ;
Son cou grêle rentrait dans ses épaules hautes ;
Ses flancs, vides de cœur, s’enfonçaient sous ses côtes ;
Son front, petit et bas, dégarni de cheveux,
Remuait agité d’un tremblement nerveux.
Sur son œil faux et gris sa paupière ridée,
Comme par la clarté du jour intimidée,
Se fermant, se rouvrant, sans repos palpitait.
Un sourire indécis sur sa bouche flottait,
Et laissait éclater entre ses lèvres pâles
Des dents que séparaient de larges intervalles,
Et qui, faisant le bruit d’une bouche qui mord,
Semblaient broyer des os comme un tigre qui dort.
Le cou tendu, l’œil fixe, et l’oreille dressée,
Dans les yeux de Nemphed il plongeait sa pensée,
Cherchant à pressentir, comme un chien de boucher,
Quel sang lui jetterait son vil maître à lécher.


Serendyb, après lui, géant pensif et sombre,
Qu’une large colonne effaçait sous son ombre,
Abaissant sur la foule un dédaigneux coup d’œil,
Semblait s’envelopper d’un égoïste orgueil.