Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/331

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Les secrets du pouvoir sont audace et prestige ;
Nous ferons à propos éclater le prodige ;
Nous les éblouirons pour mieux les asservir.
La nature a changé ses lois pour nous servir ;
Elle nous a livré, dans sa magnificence ;
Deux êtres où la terre épuisa sa puissance,
Ravissement des yeux, chef-d’œuvre de ses mains ;
Beauté qui fait pâlir la beauté des humains,
Et dont le fier aspect et la grâce suprême
Feraient fléchir d’amour les genoux des dieux même !
Sur l’autel où languit la superstition
Exposons-les au peuple en adoration :
Que de nos majestés l’homme soit le symbole ;
Que la femme par nous transformée en idole,
Et recevant ici l’encens de nos autels,
Soit la beauté des dieux révélée aux mortels !
Contre de tels attraits le cœur même est sans armes ;
La persuasion coulera de ses charmes,
Et ce peuple, sur lui la voyant resplendir,
De toute sa beauté nous sentira grandir ! »
Des applaudissements partirent de la tourbe.
« Mais ce n’est pas assez, continua le fourbe ;
Il faut dans mes desseins que cet être charmant
D’un prestige plus sûr devienne l’instrument ;
Que ma bonté, l’offrant en espoir aux plus braves,
La donne pour épouse à mes heureux esclaves ;
Qu’il sorte de ses flancs un type colossal
Où s’ennoblisse encor la race de Baal !
Nous préviendrons ainsi que du rang où nous sommes
La race des géants tombe au niveau des hommes.