Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/34

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Son âme s’y confond à l’âme de la terre.
Jamais seul, et pourtant constamment solitaire,
Il converse sans cesse avec d’étranges voix ;
Il voit ce qui n’est plus, ainsi que je vous vois.
Son corps n’obéit plus aux lois de la nature,
Quelques fruits secs sont là toute sa nourriture ;
Et, si du monastère à nos pieds habité
De ses frères en Dieu l’active charité
Oubliait quelque jour d’apporter les corbeilles
Des dattes et du miel aliment de ses veilles,
Ce jour le trouverait mort d’inanition
Sans avoir suspendu sa contemplation.
Allons, suivez ma trace au bord du précipice ;
Mais de vos pieds muets que le bruit s’assoupisse ;
Demeurez à la porte, et gardez-vous d’entrer
Si je ne vous fais pas signe d’y pénétrer ;
Car un sens qui s’éteint en rend plus clair un autre ;
Son oreille entendrait ou mon pied ou le vôtre ;
Et, s’il est absorbé dans les choses d’en haut,
Craignons de réveiller son esprit en sursaut :
Nous chasserions la voix qui parle dans son âme,
Comme en la secouant on éteint une flamme ! »


Je suivis pas à pas mon guide : en un clin d’œil
De l’antre révéré nous touchâmes le seuil.
Un sourd bourdonnement, écho d’un cœur qui prie,
Ou d’une solitaire et sainte rêverie,
Vers la porte du roc nous guidait en marchant,
Comme un bruit d’eau caché qui croît en s’approchant :