Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/431

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De ses cris maternels la douleur insensée,
En épuisant son corps, égarait sa pensée.
Cédar contre son cœur vainement l’appuyait ;
De ses bras contractés ce cher fardeau fuyait,
Et, lassé d’un espoir qui sans cesse retombe,
Embrassait le désert de feu, comme une tombe !

Les étoiles du ciel commençaient à jaillir,
La nuit de ses terreurs revint les assaillir ;
D’une étreinte mortelle, assis, ils s’embrassèrent,
Comme deux naufragés, et muets s’affaissèrent.
Nul n’osait de sa voix faire entendre le son ;
Leurs cœurs ne se parlaient que par leur seul frisson :
En proférant le mot qu’il eût fallu répondre,
Ils craignaient de sentir tout leur courage fondre.
Dans un sommeil trompeur leur faim s’assoupissant,
Le cri des deux jumeaux allait s’affaiblissant ;
Serrant ces petits corps entre leurs deux poitrines,
À peine entendaient-ils le vent de leurs narines.
Comme la poule encor couve mort son poussin,
La mère réchauffait ces deux corps dans son sein.
Oh ! durant cette longue et suprême insomnie,
Combien le sable but de gouttes d’agonie !

La brise du matin les rafraîchit un peu,
Le soleil nu monta comme un charbon de feu :
L’aube, qui se jouait splendide sur leur tête,
Teignit le firmament d’une couleur de fête.