Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/436

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Il alla quêter seul au loin la goutte d’eau,
Et, marchant plus léger sans son triple fardeau,
Il espéra trouver la source poursuivie,
Et, devançant la mort, lui rapporter la vie.

Il partit vers la plage où l’espoir avait lui.
Le sable du désert disparaissait sous lui.
Ainsi qu’un fossoyeur qui mesure une tombe
Et marque en enjambant la place où son pied tombe,
Les anges le voyaient arpenter à grands pas,
Dans le deuil de son cœur, le champ de son trépas.
Son ombre le suivait comme une aile cassée
Que traîne sur le sol la cigogne blessée.
Les pentes du désert par degrés s’abaissaient ;
Sous le sable déjà les pierres le blessaient ;
Les têtes des palmiers d’une terre féconde
Sortaient de l’horizon comme les mâts de l’onde.
Sous le voile ondoyant de ses bords de roseaux
Le fleuve tout à coup lui déroula ses eaux.
Cet aspect lui rendit l’espérance et la force ;
D’un palmier séculaire il déchira l’écorce,
Sa main en large coupe en déplia les bords :
II descendit au fleuve, il y plongea son corps.
Écumante au niveau de sa lèvre altérée,
Flottait la brise humide et la vague azurée :
Il détourna de l’eau sa bouche et son regard
Avant que son amour en eût goûté sa part ;
Il en remplit l’écorce, et, reprenant sa route,
Tout tremblant que sa main n’en perdît une goutte,