Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/48

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La feuille et les membres des bois !
Nous sommes l’instrument sonore
Où le nom que la lune adore
À tous moments meurt pour éclore
Sous nos frémissantes parois.
Venez, des nuits tièdes haleines ;
Tombez du ciel, montez des plaines ;
Dans nos branches, du grand nom pleines,
Passez, repassez mille fois !
Si vous cherchez qui le proclame,
Laissez là l’éclair et la flamme !
Laissez là la mer et la lame !
Et nous, n’avons-nous pas une âme,
Dont chaque feuille est une voix ?


Tu le sais, ciel des nuits à qui parlent nos cimes,
Vous, rochers que nos pieds sondent jusqu’aux abîmes
Pour y chercher la sève et les sucs nourrissants ;
Soleils dont nous buvons les dards éblouissants ;
Vous le savez, ô nuits dont nos feuilles avides
Pompent les frais baisers et les perles humides :
Dites si nous avons des sens !
Des sens dont n’est douée aucune créature,
Qui s’emparent d’ici de toute la nature,
Qui respirent sans lèvre et contemplent sans yeux,
Qui sentent les saisons avant qu’elles éclosent ;
Des sens qui palpent l’air et qui le décomposent,
D’une immortelle vie agents mystérieux !
Et pour qui donc seraient ces siècles d’existence ?