Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/62

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Et, du ciel attirés par les filles des hommes,
N’ont jamais pu d’en bas remonter où nous sommes !
Dégradés pour toujours d’un sort presque divin,
Condamnés à mourir, à renaître sans fin,
Ces exilés d’en haut, séparés de leurs frères,
Sans avoir leur espoir subissant leurs misères,
Ne peuvent revenir au rang qu’ils ont quitté
Qu’après avoir mille ans sur ce globe habité,
Et, dans un cercle long d’épreuves successives,
Lentement reconquis leurs splendeurs primitives :
Anges transfigurés, il leur faut à leur tour
D’homme devenir ange !… Oh ! pénible retour !
Humiliant exil dans cet enfer des larmes !
Et pourtant ils l’ont fait pour de bien moindres charmes ;
Et pourtant, entraîné comme d’un poids fatal,
Moi-même j’ai maudit cent fois mon ciel natal !
Oh ! d’amour et d’orgueil furieuse tempête,
Ne t’apaiseras-tu jamais ?… Charmante tête,
Qui dors sans soupçonner mon trouble et mes remords :
Puisque je suis ton rêve, oh ! dors, belle enfant, dors ! »

Et Daïdha dormait, et de ce blanc visage
La lune repliait son jour sous le feuillage,
Et l’ange dont l’amour perçait l’obscurité
Voyait la sombre nuit luire de sa beauté.