Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/14

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principale avec les bâtiments, les jardins et l’espace autour de l’enclos ? Mais j’y veux mourir dans le lit de mon père. C’est impossible ; ce serait le suicide de tous les sentiments de la famille. — Qu’avez-vous à dire contre ce fond de vallon qu’on n’aperçoit pas de vos fenêtres ? — Rien, si ce n’est qu’il contient l’ancien cimetière où furent ensevelis sous mes yeux, pendant mon enfance, mon petit frère et une sœur que j’ai tant pleurés. Allons ailleurs... »

Nous marchâmes en vain, nous ne trouvâmes rien qui pût se détacher sans emporter en même temps un lambeau de mon âme. Je rentrai tristement le soir à la maison. Je ne dormis pas.

Le lendemain matin le facteur rural me remit un paquet de lettres. Il y en avait une de Paris. L’adresse était écrite d’une de ces écritures nettes, cursives, brèves, qui annoncent la promptitude, la précision et la fermeté de résolution de l’esprit dans la volubilité de la main. Je l’ouvris. Elle était de M. de G***: « M. Pelletan, me disait-il, m’a parlé avec intérêt de quelques pages de souvenirs d’enfance dont il a entendu la lecture à Ischía. Voulez-vous les envoyer à la Presse ? Elle vous enverra en échange la somme que vous demanderez. » Je répondis, sans hésiter, par un remercîment et par un refus : Le prix offert par le journal, disais-je at M. de G***, est bien au-dessus de quelques pages sans valeur ; mais je ne pourrais me décider à publier des reliques poudreuses de ma mémoire sans intérêt pour tout autre regard que le mien. »

La lettre partit. Le notaire vint, six jours après, pour rédiger le projet de vente de Milly. L’homme d’affaires en avait dépecé enfin une première parcelle de cinquante mille francs prête à trouver un acheteur. L’acte était sur