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de fenêtre en fenêtre en s’approchant de la tour. Nous nous levâmes. Lucy s’élança vers la porte de son escalier, dont je l’entendis refermer précipitamment le verrou Je me laissai glisser jusqu’au pied du mur dans les prés. Mon chien me suivit. Je m’enfonçai à grands pas dans les sombres gorges des montagnes, en maudissant l’importune fidélité du pauvre animal. J’arrivai transi sous la fenêtre de ma chambre.

Je replaçai l’échelle. Je me couchai à l’aube du jour, sans autre souvenir de cette première nuit de poésie ossianique que les pieds mouillés, les membres transis, la conscience un peu humiliée de ma timidité devant la charmante Lucy, et une rancune très-modérée contre mon chien, qui avait interrompu à propos un entretien dont nous étions déjà plus embarrassés qu’heureux.


XVI


Ainsi finirent ces amours imaginaires qui commençaient à inquiéter un peu nos parents. On s’était aperçu de ma sortie nocturne. On se hâta de me faire partir avant que cet enfantillage devînt plus sérieux. Nous nous jurâmes de nous aimer par tous les astres de la nuit, par toutes les ondes du torrent et par tous les arbres de la vallée. L’hiver fondit ces serments avec ses neiges. Je partis pour achever mon éducation à Paris et dans d’autres grandes villes. Lucy fut mariée pendant mon absence, devint une femme accomplie, fit le bonheur d’un mari qu’elle aima, et mourut jeune, dans une destinée aussi vulgaire que ses premiers rêves avaient été poétiques. Je revois quelquefois son ombre mélancolique et dia-