Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

uns aux autres et rendue visible par le sentiment ! J’ai souvent compris qu’on voulût étendre la famille ; mais la détruire !… c’est un blasphème contre la nature et une impiété contre le cœur humain ! Où s’en iraient toutes ces affections qui sont nées là et qui ont leur nid sous le toit paternel ? La vie n’aurait point de source, elle ne saurait ni d’où elle vient ni où elle va. Toutes ces tendresses de l’âme deviendraient des abstractions de l’intelligence. Ah ! le chef-d’œuvre de Dieu, c’est d’avoir fait que ses lois les plus conservatrices de l’humanité fussent en même temps les sentiments les plus délicieux de l’individu ! Tant qu’on n’aime pas, on ne comprend pas !

Heureux celui que Dieu a fait naître d’une bonne et sainte famille ! c’est la première des bénédictions de la destinée ; et quand je dis une bonne famille, je n’entends pas une famille noble de cette noblesse que les hommes honorent et qu’ils enregistrent sur du parchemin. Il y a une noblesse dans toutes les conditions. J’ai connu des familles de laboureurs où cette pureté de sentiments, où cette chevalerie de probité, où cette fleur de délicatesse, où cette légitimité des traditions qu’on appelle la noblesse, étaient aussi visibles dans les actes, dans les traits, dans le langage, dans les manières, qu’elles le furent jamais dans les hautes races de la monarchie. Il y a la noblesse de la nature comme celle de la société, et c’est la meilleure. Peu importe à quel étage de la rue ou de quelle grandeur dans les champs soit formé le foyer domestique, pourvu qu’il soit le refuge de la piété, de l’intégrité et des tendresses de la famille qui s’y perpétue ! La prédestination de l’enfant, c’est la maison où il est né ; son âme se compose surtout des impressions qu’il y a reçues. Le regard des yeux de notre mère est une partie de notre âme qui pénètre en nous par nos propres yeux.