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Il n’y avait point de fête au Pausilippe pour le lendemain. Graziella n’avait jamais songé à relever sa beauté par la toilette. Il n’y avait pas même un miroir dans sa chambre. Elle se regardait dans le seau d’eau du puits de la terrasse, ou plutôt elle ne se regardait que dans mes yeux.

Ma curiosité ne résista pas à ce mystère. Je poussai la porte du genou. La porte céda. Je parus, ma lampe à la main, sur le seuil.

Les jeunes ouvrières jetèrent un cri et s’échappèrent en volée d’oiseaux, se réfugiant, comme si on les avait surprises en crime, dans les coins de la chambre. Elles tenaient encore à la main les objets de conviction. L’une le fil, l’autre les ciseaux, celle-ci les fleurs, celle-là les rubans. Mais Graziella, placée au milieu de la chambre, sur un petit escabeau en bois, et comme pétrifiée par mon apparition inattendue, n’avait pas pu s’échapper. Elle était rouge comme une grenade. Elle baissait les yeux, elle n’osait pas me regarder à peine respirer. Tout le monde se taisait, dans l’attente de ce que j’allais dire. Je ne disais rien moi-même. J’étais absorbé dans la surprise et dans la contemplation muette de ce que je voyais.

Graziella avait dépouillé ses vêtements de lourde laine, sa soubreveste galonnée à la mode de Procida, qui s’entrouvre sur la poitrine pour laisser la respiration à la jeune fille et la source de vie à l’enfant, ses pantoufles à paillettes d’or et au talon de bois dans lesquelles jouaient ordinairement ses pieds nus, les longues épingles à boules de cuivre qui enroulaient transversalement sur le sommet de sa tête ses cheveux noirs, comme une vergue enroule la voile sur la barque. Ses boucles d’oreilles larges comme des bracelets étaient