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entraient là dès l’âge de quatorze à quinze ans. Elles commençaient par y vivre sous la surveillance très-peu gênante des chanoinesses les plus âgées qui avaient fait leurs vœux et à qui leurs familles les avaient confiées ; puis, des qu’elles avaient vingt ans, elles prenaient elles-mêmes la direction de leurs ménages, elles s’associaient avec une ou deux de leurs amies et vivaient en commun par petits groupes de deux ou trois.

Elles ne vivaient guère au chapitre que pendant la belle saison. L’hiver, elles étaient rappelées dans les villes des environs, au sein de leur famille, pour y passer un semestre de plaisir et décorer le salon de leurs mères. Pendant les mois de résidence au chapitre, elles n’étaient astreintes à rien, si ce n’est à aller deux fois par jour chanter l’office dans l’église, et encore le moindre prétexte suffisait pour les en exempter. Le soir elles se réunissaient, tantôt chez l’abbesse, tantôt chez l’une d’entre elles, pour jouer, causer, faire des lectures, sans autre règle que leur goût, sans autre surveillance que celle d’une vieille chanoinesse, gardienne indulgente de ce charmant troupeau. On devait seulement rentrer à certaines heures. Les hommes étaient exclus de ces réunions, mais il y avait une exception qui conciliait tout. Les jeunes chanoinesses pouvaient recevoir chacune leurs frères en visites pendant un certain nombre de jours, et elles pouvaient les présenter à leurs amies dans les sociétés du chapitre. Là se formaient naturellement les plus tendres liaisons de cœur entre les jeunes officiers venant passer quelques jours de semestre chez leur sœur et les jeunes amies de cette sœur. Il s’ensuivait bien de temps en temps quelques enlèvements ou quelques chuchotements dans le chapitre ; mais en général une pieuse réserve, une décence irréprochable, pré-