Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/287

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Dit : « Elle avait seize ans !
— Oui, seize ans ! et cet âge
N’avait jamais brillé sur un front plus charmant !
Et jamais tout l’éclat de ce brûlant rivage
Ne s’était réfléchi dans un œil plus aimant !
Moi seul je la revois, telle que la pensée
Dans l’âme où rien ne meurt, vivante l’a laissée,
Vivante ! comme à l’heure où les yeux sur les miens,
Prolongeant sur la mer nos premiers entretiens,
Ses cheveux noirs livrés au vent qui les dénoue,
Et l’ombre de la voile errante sur sa joue,
Elle écoutait le chant nocturne du pêcheur,
De la brise embaumée aspirait la fraîcheur,
Me montrait dans le ciel la lune épanouie,
Comme une fleur des nuits dont l’aube est réjouie,
Et l’écume argentée, et me disait : « Pourquoi
Tout brille-t-il ainsi dans les airs et dans moi ?
Jamais ces champs d’azur semés de tant de flammes,
Jamais ces sables d’or où vont mourir les lames,
Ces monts dont les sommets tremblent au fond des cieux,
Ces golfes couronnés de bois silencieux,
Ces lueurs sur la côte, et ces chants sur les vagues,
N’avaient ému mes sens de voluptés si vagues !
Pourquoi, comme ce soir n’ai-je jamais rêvé ?
Un astre dans mon cœur s’est-il aussi levé ?
Et toi, fils du matin, dis, à ces nuits si belles
Les nuits de ton pays sans moi ressemblaient-elles ? »
Puis, regardant sa mère, assise auprès de nous,
Posait pour s’endormir son front sur ses genoux.

Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées ?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !
Je veux rêver et non pleurer !

Que son œil était pur et sa lèvre candide !
Que son œil inondait mon regard de clarté !
Le beau lac de Némi, qu’aucun souffle ne ride,
A moins de transparence et de limpidité !