Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duchesse de Broglie. Elle m’honora, jusqu’à sa mort, de bontés dont le souvenir me sera toujours saint. J’ai consacré à sa mémoire vénérée quelques-uns des derniers vers que j’ai écrits. La poésie, à une certaine époque de la vie, n’est plus qu’un vase funéraire qui sert a brûler quelques parfums pour embaumer de saintes mémoires. Celle de madame de Broglie n’en avait pas besoin. Elle est à elle-même son parfum. Elle s’embaume de sa propre vertu.


X


Cependant je commençais à sentir une certaine pudeur de rester si longtemps à charge dans une maison où j’étais étranger et inconnu. Je craignais que ma présence trop prolongée ne fût indiscrète et n’imposãt même à M. et a madame de Vincy quelque gêne. La fortune de cette respectable famille ne paraissait pas correspondre alors à la générosité de son cœur. Je m’en apercevais malgré la noblesse de leurs procédés. Je ne voulais pas ajouter, par la dépense de plus dont j’étais l’occasion, à ces embarras de fortune et à ces tiraillements d’existence, dont je connaissais trop les symptômes dans ma propre famille pour ne pas les discerner chez les autres. Je les voyais souffrir et je souffrais pour eux. C’étaient des cœurs de roi aux prises avec les nécessités de la pauvreté. Le ciel leur aurait dû la fortune de leurs grands cœurs.