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Xavier de Maistre, qui résidaient en Russie. L’un était colonel en retraite, l’autre chanoine et bientôt évêque d’Aoste, en Savoie. Ces deux hommes étaient dignes du beau nom que le génie divers de leurs frères a fait depuis à leur maison. Ils avaient, en outre, le génie de la bonté. Leur conversation étincelait de cette lueur de gaieté douce, dont le rire ne coûte rien à la bienveillance. La nature avait fait à cette famille le don de grâce. C’était la finesse italienne sous la naïveté du montagnard de la Savoie. Leurs principes étaient austères, leur indulgence excusait tout. Longtemps ballottés par les événements de la révolution, émigrés, jetés d’un bord à l’autre, ils étaient comme ces rudes pierres de leurs montagnes que les avalanches ont roulées dans le torrent, que le torrent a limées et polies pendant des siècles, qui sont devenues luisantes et douces au toucher, mais qui n’en restent pas moins pierres sous la surface qui les adoucit.


XXIX


Mêlés à des événements et à des hommes divers, ils savaient tout le siècle par cœur. Le côté plaisant et ironique des choses leur apparaissait toujours avant tout. Ils ne prenaient au sérieux que l’honneur et Dieu. Tout le reste était pour eux du domaine de la comédie humaine. Ils se moquaient de la pièce, mais ils avaient de la pitié pour les acteurs.

Le chanoine surtout était l’esprit le plus excentrique et le plus original que j’aie jamais connu. Il écrivait le matin des sermons dont il nous lisait des fragments le