Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ples, la prose la langue de leur maturité. Je crois maintenant qu’il sentait juste. La poésie n’est pas dans cette vaine sonorité des vers ; elle est dans l’idée, dans le sentiment et dans l’image, cette trinité de la parole, qui la change en Verbe humain. Les versificateurs diront que je blasphème, les vrais poëtes sentiront que j’ai raison. Changer la parole en musique, ce n’est pas la perfectionner, c’est la matérialiser. Le mot simple, juste et fort pour exprimer la pensée pure ou le sentiment nu, sans songer au son pas plus qu’à la forme matérielle du mot, voilà le style, voilà l’expression, voilà le verbe. Le reste est volupté, mais enfantillage : Nugæ canores. Si vous en doutez, associez en idée Platon à Rossini dans un même homme. Qu’aurez-vous fait ? Vous aurez grandi Rossini, sans doute, mais vous aurez diminué Platon.


XIV


Je ne contestais alors ni je n’approuvais cette répugnance instinctive de certains hommes de pensée mâle aux séductions sonores de la pensée versifiée. J’aimais les vers sans théorie, comme on aime une couleur, un son, un parfum dans la nature. J’en lisais beaucoup, je n’en écrivais pas.

De ces sujets littéraires ; nous arrivions toujours, par une déviation naturelle, aux questions suprêmes de politique, de philosophie et de religion. Nourris l’un et l’autre de la moelle de l’antiquité grecque et romaine, nous adorions la liberté comme un mot sonore avant de l’adorer comme une chose sainte et comme la propriété morale dans l’homme libre.