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XXIII


Plus d’une année se passa ainsi. Puis la terreur s’adoucit dans la contrée. Les prisons se rouvrirent. Le vieux comte rentra dans son château délabré avec ses trois filles. La nourrice vint ramener la plus jeune dans les bras de son père. L’étranger quitta le dernier ces montagnes.

Il revint triste et mûri de vingt ans en quelques mois dans le presbytère de Bussières. Il menait de plus en plus la vie d’un chasseur avec mon père et les gentilshommes du pays. Seulement il s’absentait quelquefois plusieurs jours pour des courses lointaines dont on ne savait pas le but. Il disait, à son retour, que ses chiens l’avaient entraîné sur les traces des chevreuils, et qu’il avait été obligé de les suivre pour les ramener. Rien ne paraissait changé non plus, disait-on, au château de ***, dans l’autre province, si ce n’est que l’hôte disparu n’y venait plus comme autrefois. On continuait à y mener la même vie de chasse, de festins et d’hospitalité banale qu’on y avait menée pendant la révolution.


XXIV


Quant à la pauvre nourrice, elle habitait toujours la chaumière isolée dans la montagne. Elle élevait un orphelin avec ses propres enfants. Cet enfant avait du linge un peu plus fin que le linge de chanvre de ces