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Tout à coup l’enfant, qui s’était mis à danser à quelques pas de là avec le chien sur un petit tertre vert, eu redescendit en bondissant, et interrompant leur entretien : Frère, dit —il, tu m’as dit de t’avertir quand le soleil serait sur la montagne ; le voilà tout rouge entre les têtes des sapins. »

À ces mots, le jeune homme et la jeune fille se levèrent sans répondre ; ils rappelèrent la vieille femme, elle se rapprocha ; l’enfant remit le collier au petit chien, qui se rangea dans les jambes de son maître. Le groupe se réunit et se pressa ; le jeune homme embrassa d’abord la mère, puis l’enfant ; enfin la jeune fille et lui se serrèrent longtemps dans les bras l’un de l’autre dans un étroit embrassement ; ils se séparèrent, se rapprochèrent, s’embrassèrent encore, puis enfin s’éloignèrent sans oser se retourner, comme s’ils eussent eu peur de ne pouvoir résister à l’élan qui les aurait fait revenir sans fin sur leurs pas. L’enfant seul resta avec le jeune voyageur et l’accompagna à quelque distance sur la route de France.

Cette scène muette m’avait fait oublier toutes mes noires pensées. Ce départ était triste, mais il supposait un retour. L’amour était au fond de ce chagrin. l’amour suffit pour tout consoler. Il n’y avait au fond du mien que l’ennui qui se sent, ce néant qui souffre, cet abîme qui se creuse de tous les sentiments qui ne le remplissent pas.


XXXIV


Je me levai comme en sur saut. Je repris mon livre, mon sac et mon bâton couché près de moi à terre. Une