Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/431

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main invisible de la Providence cachée dans toutes mes difficultés. Elle est libre, veuve, sans parenté autour d’elle ; elle n’est pas riche, mais elle à une large aisance pour une femme seule et économe. Toutes les fois qu’elle me voit un souci sur le front, elle en veut sa part ; elle ne mesure l’amitié qu’à des sacrifices, elle vend le vin d’une vigne ou les fruits d’un verger, elle jouit de me prêter ce qui est nécessaire pour les circonstances imprévues, pour les dépenses cachées et au-dessus de mes propres forces ; c’est à l’aide de sa générosité que je supplée, sans que ton père s’en aperçoive, à l’insuffisance fréquente des sommes qu’il me donne pour votre entretien ; c’est avec l’or réservé de ce modèle accompli des amies que j’ai dû payer beaucoup de tes fautes, à l’insu de la famille ; il n’y a pas une de mes peines qu’elle ne devine, il n’y a pas une de mes impossibilités qu’elle ne tourne ; elle est entrée il y a vingt ans dans mon affection par son cœur, elle est entrée depuis dans la famille par la constance de son dévouement. C’est l’ange des difficultés insolubles placé par Dieu comme une sentinelle de l’autre côté de la rue, en face de notre maison, pour la surveiller de sa tendresse. Chaque matin, quand j’ouvre ma fenêtre, je la vois à son balcon, qui m’attend, et si j’ai un pli entre les yeux elle franchit la rue et elle accourt pour l’effacer. O mes enfants ! souvenez-vous toujours d’elle ! Madame Paradis a été un rayon de la Providence toujours visible et toujours chaud pour votre mère.

Dans une gêne si étroite, tu comprends que ton pauvre père ne peut pas te fournir les moyens de vivre désormais sans carrière et sans traitement hors de la maison. Il est même obligé, sous peine de manquer de justice envers tes sœurs (et tu sais que son scrupule c’est