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au vent. Nous ne pouvions pas nous entendre tout en nous aimant. Mais il était mon maître, et, s’il pouvait s’impatienter souvent de trouver en moi une nature si involontairement rebelle à plier à sa forme d’esprit, moi, disciple forcé et assujetti, il ne me restait qu’à me révolter en silence et à maudire ce hasard malencontreux de la famille, qui condamnait à se toucher toute la vie deux natures d’intelligence que tout séparait ; lui me glaçant, moi le brûlant ; souffrant tous les deux et nous faisant souffrir l’un l’autre, non par des défauts, mais par des qualités qui ne s’accordaient pas.


XXIV


Il en résultait souvent des mécontentements et des répulsions mutuelles qui lui rendaient la journée triste et qui me rendaient la vie dure. Ma mère allait de lui moi, de moi à lui, pour tout raccommoder. Mon père s’écartait pour rester neutre, redoutant sa propre vivacité, qui aurait pu aigrir ou blesser son frère. Sa nature militaire, ouverte et animée, avait bien plus d’analogie avec la mienne ; il m’aurait donné plus souvent raison ; mais il devait respecter aussi, dans mon intérêt, l’autorité et la souveraineté de famille. Il s’en allait chasser, s’en rapportant à ma mère du soin de tout concilier. Elle y parvenait, mais non sans larmes.

La volonté de mon oncle était de me garder à Mâcon, comme une jeune fille dans un gynécée de province ; de me faire cultiver toutes les sciences froides auxquelles mon esprit répugnait le plus : physique, histoire naturelle, chimie, mathématiques, mécanique ; de se conti-