Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions de Chénier et celles de Nodier contre le mutisme de l’époque :

Que le vulgaire s’humilie
Sous les lambris dorés du palais de Sylla,
Au-devant du char de Julie,
De Claude ou de Caligula ! etc., etc.

Il me continua la même amitié jusqu’à ses derniers jours, et sa mémoire est une de celles qui me repeuple de plus de souvenirs et de plus de regrets les rues maintenant désertes pour moi de cette petite ville, qu’il animait de son pas et qu’il remplissait de sa voix.

A côté de lui s’asseyaient ordinairement, dans le même salon, deux habitués d’un caractère et d’un entretien également ; attachants pour un jeune homme. C’étaient deux émigrés, officiers de marine.

L’un était le marquis Doria, qui fut plus tard longtemps et honorablement député de Mâcon. Nature italienne par la fécondité, la mobilité, l’élocution, l’abondance ; française, par la franchise, la noblesse, la cordialité, le désintéressement, le patriotisme. Il parlait beaucoup, il causait bien, il écoutait mieux ; il lisait immensément, il jugeait avec réserve et avec froideur. C’était un de ces esprits justes, fins, éclectiques, observateurs des convenances, même en matière d’idées, qui n’osent rien seuls et qui ont besoin de sentir leur pensée dans beaucoup d’autres têtes pour la professer tout haut. On pourrait dire d’eux que ce sont les hommes de bonne compagnie dans la société des intelligences ; ils écoutent, ils regardent, ils lisent leur journal le matin et se laissent rédiger leur opinion comme il se laissent couper leur habit par leur tailleur. Cette réserve d’esprit venait,