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telle de ces dialogues. En outre, il était d’une belle figure, encore jeune ; il lisait avec intelligence et avec sentiment ; il savait par cœur les tragédies de Racine et de Voltaire ; il les déclamait à l’imitation des plus grands acteurs. On pouvait soupçonner que, parmi les talents divers qu’il avait exercés pendant son émigration, pour se soustraire à l’indigence de l’exilé, celui de lecteur ou de récitateur de poésie française dans les cours d’Allemagne avait été une des ressources de son esprit.

Le reste de cette société se composait d’autres parents ou amis de la maison qui se choisissaient d’eux-mêmes par la conformité d’opinions, de goût pour la conversation sérieuse, pour la littérature, la science ou l’art. Deux frères, émigrés rentrés, cousins de la famille, M. de Davoyé et M. de Surigny, tous deux distingués, le premier par l’esprit cultivé et par la passion politique, le second par un rare talent de peintre, y venaient assidûment. Tous les hommes éminents du pays dans le barreau, dans la médecine, dans l’agriculture, qui cultivaient en même temps leur esprit, ou qui aimaient cette culture dans les autres, étaient admis et recherchés dans ce salon. C’était une oasis dans cette aridité des sociétés de province, un souvenir vivant de ces réunions d’hommes lettrés, oisifs et insouciants de la vie vulgaire que Boccace montre rassemblés par attrait ou par hasard dans quelque villa de la Toscane, autour de Florence ou de Fiesole.