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guêtres de même étoffe, boutonnées par-dessus le genou ; — de la mère et de vingt enfants, tous vivants au commencement du siècle. Une riche aisance, une éducation austère, des dispositions naturelles, avaient fait des fils autant d’hommes distingués dans leurs différentes carrières. Quelques-unes des filles étaient mariées, et venaient de temps en temps, avec leurs petits enfants, visiter le nid commun, rempli de mouvement et de bruit ; quatre d’entre elles n’étaient pas mariées, et vivaient avec le père, la mère et les frères. Ces jeunes femmes étaient intimement liées avec ma mère. Bien qu’élevées à la campagne, les traditions de famille et le contact avec leurs frères, qui rapportaient tous les ans à la maison le ton, la grâce, la lumière du grand monde dans lequel ils vivaient, à Paris ou à Lyon, leur avaient donné le poli, l’élégance simple, le naturel et les manières des plus hautes races. C’était la plus exquise aristocratie de formes, de sentiments et de langage dans la simplicité des habitudes champêtres. On eût dit qu’elles sortaient des cours. Cette famille subsiste encore dans la dernière des filles de la maison. Elle a conservé, à un âge avancé, la fraîcheur d’impressions et la grâce d’esprit de sa jeunesse. J’ai toujours remarqué que la bonté était un élément de longévité ; l’amour, qui crée, conserve aussi ; la haine, au contraire, ronge et détruit. Mademoiselle Couronne (c’est son nom) est pour moi une date du temps écrite dans le cœur, où je retrouve ma mère et mes sœurs comme si elles venaient de sortir de la salle pour aller dans le jardin de Bussières admirer et respirer les fleurs qu’elles s’amusaient jadis à cultiver.

Un de ses frères, M. de Vaudran, homme d’un grand et solide mérite, s’était retiré en ce temps-là dans la maison paternelle. Il philosophait avec mon père sur les