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III


Je n’imiterai pas Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions. Je ne vous raconterai pas les puérilités de ma première enfance. L’homme ne commence qu’avec le sentiment et la pensée. Jusque-là, l’homme est un être, ce n’est pas même un enfant. l’arbre sans doute commence aux racines, mais ces racines, comme nos instincts, ne sont jamais destinées à être dévoilées à la lumière. La nature les cache avec dessein, car c’est là son secret. L’arbre ne commence pour nous qu’au moment où il sort de terre et se dessine avec sa tige, son écorce, ses rameaux, ses feuilles, pour le bois, pour l’ombre ou pour le fruit qu’il doit porter un jour. Ainsi de l’homme. Laissons donc le berceau aux nourrices, et nos premiers sourires, et nos premières larmes, et nos premiers balbutiements à l’extase de nos mères. Je ne veux me prendre pour vous qu’à mes premiers souvenirs déjà raisonnés.

Les deux premières scènes de la vie qui se représentent souvent à moi, dans ces retours que l’homme fait vers son passé le plus lointain pour se retrouver lui-même, les voici :


IV


Il est nuit. Les portes de la petite maison de Milly sont fermées. Un chien ami jette de temps en temps un aboiement dans la cour. La pluie d’automne tinte contre