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deux ou trois de nos torches. Le plus hardi et le plus grand se hasarde le premier. Nous le suivons tous. Nous rampons un moment comme le renard dans sa tanière. La fumée des torches nous étouffe, mais rien ne nous rebute, et, la voûte s’élargissant et s’élevant tout à coup, nous nous trouvons dans une de ces vastes salles souterraines dont les cavernes des montagnes sont presque toujours l’indice et qui leur servent pour ainsi dire à respirer l’air extérieur. Un petit bassin d’eau limpide réfléchit au fond la lueur de nos torches. Des gouttes brillantes comme le diamant suintent des parois de la voûte et, tombant par intervalles réguliers, y produisent ce tintement sonore, harmonieux et plaintif, qui, pour les petites sources comme pour les grandes mers, est toujours la voix de l’eau. L’eau est l’élément triste. Super flumina Babylonis sedimus et flevímus. Pourquoi ? C’est que l’eau pleure avec tout le monde. Tout enfants que nous sommes, nous ne pouvons nous empêcher d’en être émus.

Assis au bord du bassin murmurant, nous triomphons longtemps de notre découverte, bien que nous n’ayons trouvé ni lions ni aigles, et que la fumée de bien des feux noircissant le rocher çà et la dût nous convaincre que nous n’étions pas les premiers introduits dans ce secret de la montagne. Nous nous baignons dans ce bassin ; nous trempons nos pains dans son onde ; nous nous oublions longtemps à la recherche de quelque autre branche de la caverne, si bien qu’a notre sortie le jour est tombé, et la nuit montre ses premières étoiles.

Nous attendons que les ténèbres soient encore un peu plus profondes. Alors nous allumons tous ensemble nos troncs de sapins par l’extrémité. Nous les portons la