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n’avait en elle ni le métier ni l’art de la femme supérieure de ce temps.

Elle n’écrivait jamais pour écrire, encore moins pour être admirée, bien qu’elle écrivît beaucoup pour elle-même et pour retrouver dans un registre de sa conscience et des événements de sa vie intérieure un miroir moral d’elle-même où elle se regardait souvent pour se comparer et s’améliorer. Cette habitude d’enregistrer sa vie, qu’elle a conservée jusqu’à la fin, a produit quinze à vingt volumes de confidences intimes d’elle à Dieu, que j’ai en le bonheur de conserver et où je la retrouve toute vivante quand j’ai besoin de me réfugier encore dans son sein.

Elle avait peu lu, de peur d’effleurer sa foi si vive et si obéissante. Elle n’écrivait pas avec cette force de conception et avec cet éclat d'images qui caractérisent le don de l’expression. Elle parlait et écrivait avec cette simplicité claire et limpide d’une femme qui ne se recherche jamais elle-même, et qui ne demande aux mots que de rendre avec justesse sa pensée, comme elle ne demandait à ses vêtements que de la vêtir et non de l’embellir. Sa supériorité n’était point dans sa tète, mais dans son âme. C’est dans le cœur que Dieu a placé le génie des femmes, parce que les œuvres de ce génie sont toutes des œuvres d’amour. Tendresse, piété, courage, héroïsme, constance, dévouement, abnégation d’elle-même, sérénité sensible, mais dominant par la foi et par la volonté ce qui souffrait en elle : tels étaient les traits de ce génie élevé que tous ceux qui l’approchaient sentaient dans sa vie et non dans ses œuvres écrites. Ce n’est que par l’attrait qu’on se sentait dominé auprès d’elle. C’était une supériorité qu’on ne reconnaissait qu’en l’adorant.