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tiges croissaient au bord de l’allée. Quelquefois ses lèvres étaient entr'ouvertes et immobiles, quelquefois fermées et agitées d’un imperceptible mouvement, comme celles de quelqu’un qui parle en rêvant.

Elle parcourait ainsi pendant une demi-heure, plus ou moins, selon la beauté de la soirée, la liberté de son temps ou l’abondance de l’inspiration intérieure, deux ou trois cents fois l’espace de l’allée. Que faisait-elle ainsi ? vous l’avez deviné. Elle vivait un moment en Dieu seul. Elle échappait à la terre. Elle se séparait volontairement de tout ce qui la touchait ici-bas pour aller chercher dans une communication anticipée avec le Créateur, au sein même de la création, ce rafraîchissement céleste dont l’âme souffrante et aimante a besoin pour reprendre les forces de souffrir et d’aimer toujours davantage.

Ce que Dieu disait à cette âme, Dieu seul le sait ; ce qu’elle disait à Dieu, nous le savons à peu près comme elle. C’étaient des retours pleins de sincérité et de componction sur les légères fautes qu’elle avait pu commettre dans l’accomplissement de ses devoirs, dans la journée ; de tendres reproches qu’elle se faisait à elle-même pour s’encourager a mieux correspondre aux grâces divines de sa situation ; des remercîments passionnés à la Providence pour quelques-uns de ces petits bonheurs qui lui étaient arrivés en nous : son fils, qui avait annoncé d’heureuses inclinations ; ses filles, qui s’embellissaient sous ses yeux ; son mari, qui, par son intelligence et son ordre admirables, avait légèrement accru la petite fortune et le bien-être futur de la maison ; puis les blés qui s’annonçaient beaux ; la vigne, notre principale richesse, dont les fleurs bien parfumées embaumaient l’air et promettaient une abondante vendange ; quelques contemplations soudaines, ravissantes, de la grandeur du firmament, de