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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/364

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nous savons tout, allez ! La renommée a des pas de mulet pour monter aux montagnes.

« — Et dire, reprit la vieille en l’interrompant, qu’une pareille créature a bien pu être la femme de notre Cyprien, et qu’elle a été assise là-haut, en robe de soie et en coiffe de dentelle, sur le banc, à la table des fiançailles, à côté du père et de moi !…

« — Ah ! mon père et ma mère ! s’écria Cyprien en laissant tomber ses bras de son visage et en se retournant, les yeux tout rouges et tout mouillés, ne lui faites pas de reproches ; elle m’a trahi, c’est vrai, ajouta-t-il en sanglotant, mais je suis si heureux avec la Catherine que voilà, et elle est si malheureuse, qu’il ne faut pas l’injurier !

« — Oh ! oui, monsieur Cyprien, dis-je en me retournant, toujours à genoux, du côté de sa voix, mais sans oser lever les yeux ; oh ! oui, j’ai été bien traîtresse vis-à-vis de vous ; vous devriez m’en vouloir, mais vous êtes toujours bon, je vois bien ; et, puisque vous êtes bien heureux avec cette autre femme, qui est bien meilleure et plus belle que moi, pardonnez-moi le passé et laissez-moi aller chercher mon pain ailleurs. Je ne savais pas être chez vous, allez ! Je serais plutôt entrée dans la porte du purgatoire ! Mais la nuit et le bon Dieu m’ont jetée dans la seule grange où je ne voulais jamais aller !… »


CXIV


« Pendant que je disais ça à Cyprien, en regardant le plancher et en pleurant à chaudes larmes, j’entendis les pas d’autres sabots qui descendaient précipitamment l’es-