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TOUSSAINT LOUVERTURE.

Regardons !

Il s’avance vers le jour et regarde mieux.

Ne crains rien !Encor moi ! Toujours moi, moi toujours !…
Oh ! visible remords d’importunes amours !
Serait-ce ?… oui, c’est moi, c’est bien l’habit et l’âge,
C’est bien là mon portrait… ce ridicule gage
D’un vil attachement, qu’en quittant ces climats
Je laissai plus léger que le vent dans mes mâts !
Comment est-il ici, sur elle ?… Quelle idée !…
Mon âme a beau la fuir, elle en est obsédée…
C’est sa mère en mourant qui, par un vœu secret,
Au cou de l’orpheline aura mis ce portrait,
Afin qu’un jour… (l’amour jamais ne désespère)
Elle pût rechercher et retrouver son père !…

À Adrienne, en la soulevant de nouveau.

Parlez, ouvrez les yeux.

Adrienne fait un léger mouvement. — Le moine traverse la
cour et ouvre la grille, puis reparaît bientôt sous le souterrain.
adrienne.

Parlez, ouvrez les yeux.C’est lui, je le revois.

salvador, lui montrant le portrait.

Ce portrait, quel est-il ?

adrienne.

Ce portrait, quel est-il ?Mon père ! rends-le-moi !

salvador, égaré.

Son père ! oh ! oui, c’est elle ! — Et dans le gouffre infâme
Ce que je repoussais du pied, c’était mon âme !
C’était ma fille ! Ô crime ! ô rare impiété !
Ma fortune s’écroule au cri qu’elle a jeté !
Ma honte, dans mon cœur si longtemps endormie,
M’étouffe par sa voix sous ma propre infamie !
Non, non, la voix du sang n’est pas un préjugé !
Je niais le remords, le remords s’est vengé.