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RAPHAËL

miracle. Au même instant, le médecin que j’avais envoyé chercher la veille entra. Il recommanda le repos et quelques infusions de plantes de ces montagnes qui calment les mouvements du cœur. Il rassura tout le monde en nous disant que cette maladie de la jeunesse des femmes s’apaisait souvent avec les années, qu’elle n’était qu’un excès de sensibilité qui n’était jamais dangereuse, à moins que les peines intérieures ne vinssent l’aggraver par des causes morales. Pendant que les jeunes filles cherchaient dans les prés les simples indiqués par le médecin et que les blanchisseuses repassaient les vêtements mouillés dans la salle basse, je sortis de la maison et j’allai parcourir seul les ruines de l’antique abbaye.

XXIII

Mais mon cœur était trop plein de mes propres impressions pour s’intéresser à ces morts. L’ascétisme et l’enthousiasme des premiers monastères étant devenus plus tard une profession, des vies sans liens avec leurs frères et sans utilité pour le monde s’étaient évaporées dans ces cloîtres, ne laissant ni traces ni regrets sur les tombeaux. J’admirai seulement combien la nature est prompte à s’emparer des places vides et des demeures abandonnées par l’homme, combien son architecture vivante d’arbustes qui s’enracinent dans le ciment, de ronces, de lierres flottants, de giroflées suspendues, de plantes grimpantes jetant leur épais manteau sur les brèches des murs, est supérieure à la froide symétrie des pierres et à la décoration morte des monuments du ciseau des hommes. Il y avait plus de soleil, plus de parfums, plus de murmures, plus de saintes psalmodies des vents, des eaux, des oiseaux, des échos sonores