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RAPHAËL

Je crois avec eux à un Être principe et cause, source, espace et fin de tous les autres êtres, ou plutôt qui n’est lui-même que l’éternité, la forme et la loi de tous ces êtres visibles ou invisibles, intelligents ou inintelligents, animés ou inanimés, vivants ou morts, dont se compose le seul vrai nom de cet Être des êtres, l’infini. Mais l’idée de l’incommensurable grandeur, de la fatalité souveraine, de la nécessité absolue et inflexible des actes de cet être, que vous appelez Dieu et que nous appelons loi, exclut de nos pensées toute intelligibilité précise, toute dénomination juste, toute imagination raisonnable, toute manifestation personnelle, toute révélation, toute incarnation, tout rapport possible entre cet Être et nous, et même l’hommage et la prière. La conséquence a-t-elle donc à prier le principe ? Oh ! que c’est cruel, ajouta-t-elle, et que de bénédictions, de prières et de larmes n’aurais-je pas versées à ses pieds depuis que je vous aime !… »

Puis se reprenant : « Je vous étonne et je vous afflige, dit-elle, mais pardonnez-moi : la première des vertus, s’il y a des vertus, n’est-ce pas la vérité ? Sur ce seul point, nous ne pouvons pas nous entendre ; aussi, n’en parlons jamais. Vous avez été élevé par une mère pieuse, au sein d’une famille chrétienne ; vous y avez respiré avec l’air les saintes crédulités du foyer ; on vous a mené par la main dans des temples, on vous a montré des images, des mystères, des autels, on vous a enseigné des prières en vous disant : « Dieu est la qui vous écoute et qui vous répond ; » vous avez cru, car vous n’aviez pas l’âge d’examiner. Plus tard, vous avez écarté ces hochets de votre enfance pour imaginer un Dieu moins puéril et moins féminin que ce Dieu des tabernacles chrétiens. Mais le premier éblouissement est resté encore dans vos yeux ; le jour que vous avez cru voir était mêlé, à votre insu, du faux jour dont on vous a fasciné en entrant dans la vie ; il vous est resté