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RAPHAËL

d’une des rues et vint s’arrêter sous les fenêtres de la maison. J’y courus, je m’abritai à demi de l’ombre d’une colonne, tout près de la voiture. Je vis les domestiques se précipiter à la portière. Je vis Julie descendre dans les bras du vieillard, qui l’embrassa comme un père embrasse son enfant après une longue absence ; il remonta péniblement les marches de l’escalier, soutenu par le bras du concierge. La voiture fut déchargée. Le postillon l’emmena pour la remiser dans une autre rue ; la porte se referma. Je revins prendre ma place près du parapet de la rivière.

LXVII

Je contemplai longtemps de là les fenêtres, éclairées par les lumières, de la maison de Julie. Je cherchais à entrevoir ce qui se passait dans l’intérieur. Je voyais ce mouvement ordinaire de gens affairés qui portent des malles, qui défont les paquets, qui rangent les meubles, a l’arrivée d’un hôte. Lorsque ce mouvement fut apaisé, que les flambeaux ne coururent plus d’une pièce à l’autre, que la chambre du vieillard, au premier étage, s’éclaira seule du demi-jour d’une lampe de nuit, je distinguai, à travers les vitres de l’entre-sol au-dessous, la taille élancée et fléchissante de Julie qui se dessinait en ombre, un moment immobile, sur les rideaux blancs. Elle resta quelque temps dans cette attitude, puis je la vis ouvrir la fenêtre, malgré le froid, regarder un moment la Seine de mon côté, comme si ses yeux eussent été arrêtés sur moi par une révélation surnaturelle de l’amour ; puis se détourner et regarder longtemps, vers le nord, une étoile que nous avions l’habitude de contempler souvent ensemble et que nous nous étions promis de regarder chacun de notre côté dans l’ab-