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LE TAILLEUR DE PIERRE

Moi. — Et quelles prières lui faisiez-vous le plus souvent, Claude ?

Lui. — Oh ! je me rappellerais plutôt, monsieur, l’impression de tous les souffles qui ont traversé mes lèvres depuis que je respire, que les mots et les sons de toutes les prières que je lui ai adressées ; car il en est bien, sans mentir, sorti de mon cœur à peu près autant qu’il est sorti de souffles de ma respiration. Tenez, mon cœur en est devenu gros de soupirs. D’abord, je savais la prière que ma mère m’avait apprise par cœur quand j’étais petit, la prière de Jésus-Christ, qu’il laissa aux hommes comme une langue qu’on entendait là-haut : « Notre Père, qui êtes au ciel ! » vous savez ? Il y a à peu près là tout ce qu’on peut demander. C’est comme un gros son dans la poche, contre lequel on vous donne partout un morceau de pain.

Moi. — Mais chacun doit se faire sa prière à soi-même, Claude, car les besoins de l’un ne sont pas ceux de l’autre. Quelles prières faisiez-vous le plus habituellement pour vous ?

Lui. — Oh ! c’était aussi différent que le jour est différent de la nuit ; c’était selon l’heure, le vent, le soleil, la pluie, selon l’impression que je ressentais en moi de toutes choses ; c’était plutôt une conversation qu’une prière : je respirais tout haut, voilà tout.

Moi. — Et que demandiez-vous le plus souvent dans vos prières ?

Lui. — Ah ! monsieur, vous le savez bien sans que je vous le dise : je demandais d’abord le pain et la paix du cœur pour ma mère, mon frère, ma sœur et pour Denise ; que le bon Dieu les visitât aux Huttes nuit et jour, et qu’il répandît une bénédiction sur chacun de leurs jours ! Surtout qu’ils n’eussent pas de chagrin à cause de moi.

Moi. — Et pour vous, qu’est-ce que vous demandiez ?

Lui. — Oh ! pour moi, pas grand-chose ; il me faut si peu ! Je demandais seulement de vivre en rendant service