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LE TAILLEUR DE PIERRE

m’ayant flairé de plus près, il me reconnut à son tour, me couvrit de caresses et s’attacha à moi sans plus vouloir me quitter. Cela fit que personne dans la maison ne fut avisé de mon approche.

» Il pouvait être à peu près deux heures avant minuit. Il n’y avait ni lune ni étoiles dans le ciel ; des nuages noirs couvraient tout. On ne voyait rien qu’une petite étincelle sortant d’une vitre d’une lucarne basse qui ouvrait dans le mur de fond de la maison, du côté du rocher qui domine le ravin. On n’entendait rien que quelques petits frissons de vent dans les bruyères, le travail précautionneux des taupes sous les buissons et le marmottement de l’eau courante au fond du grand abîme où j’étais tout à l’heure, monsieur. Je marchai doucement, doucement, faisant bien attention à ne pas faire rouler un caillou et à ne pas faire bruire une herbe sous mes pieds nus. À mesure que j’approchais, je me sentais plus envie de m’en retourner, sans avoir été plus avant, de peur de savoir ce qui me ferait ensuite trop de chagrin d’avoir appris. « Dieu ! me disais-je, si je n’allais revoir ni ma mère, ni mon frère, ni Denise autour du foyer, mais quelques visages de femme et d’homme et d’enfants étrangers, entrés, comme les fourmis que vous voyez là, dans la maison vide de l’escargot ! qu’est ce que je deviendrais ? Oui, oui, il vaut mieux s’en aller, avoir revu le mur, la fumée et la lueur du creusieu, et croire que tout est encore là comme de mon temps. »

» Deux ou trois fois je m’arrêtai, et je fis un pas pour remonter d’où je descendais. Vous ne croiriez jamais, monsieur, que ce fut le chien qui me retint et qui me força à redescendre. Il grondait, il me léchait les pieds, il me mordait le bord de mes haillons comme pour me forcer à revenir avec lui. Je craignais le bruit qu’il allait faire, et je continuai à le suivre. Mais, pour dire vrai, je ne savais déjà plus ce que je faisais ou ce que je ne faisais pas.