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TOUSSAINT LOUVERTURE.

Son orgueil à la fin fléchit devant le mien !

le moine.

Ou bien, pour te séduire, il exalte le tien.

toussaint, lisant.

 « Général, revêtu de la force publique,
Par le vœu de l’armée et de la République,
Après avoir vaincu, pacifié, soumis ;
Sur terre sans rival, sur mer sans ennemis ;
J’ai porté mes regards vers la terre ou vous êtes ;
Là m’attendent aussi d’importantes conquêtes.

Il s’arrête avec susceptibilité, puis reprend.

Oui, je veux conquérir, mais à la liberté,
La race qui m’ignore et qui vous a porté.
Des droits qu’elle a rêvés, oui, cette race est digne,
Mais, pour qu’ils soient sacrés, il faut que je les signe »
L’insolent ! c’est un dieu jetant l’arrêt fatal.

le moine.

Ce langage est d’un maître et non pas d’un égal.
Poursuis.

toussaint, continuant.

Poursuis. « La République, à ma voix réformée,
Pour la représenter vous envoie une armée ;
Elle va renforcer vos drapeaux triomphants.
Songez-y, ces soldats sont mes braves enfants ;
Mon beau-frère, leur chef, embarqué sur l’escadre,
D’un ordre social vous porte enfin le cadre.
Vous aurez pour honneur, pour règle, pour devoir
D’y faire entrer le blanc, le mulâtre, le noir ;
Généraux tous les deux… craignez la flatterie :
Il n’est point de second où règne la patrie ! »
Que veut dire ce mot sonore, obscur et bref ?

le moine, ironiquement.

C’est clair… Que pour second il vous envoie un chef !