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ACTE II, SCÈNE II
salvador.

Votre raison aussi grandira, je l’espère.

isaac.

Oh ! je l’aimerai bien, s’il nous rend à mon père.

salvador, à part.

Mon père ! et puis toujours mon père ! Enfant borné,
Qui ne saurait laver le sang dont il est né.

Haut.

Sachez, monsieur, que l’homme à qui l’on doit la vie
Est moins que l’homme à qui l’on doit une patrie.
Le hasard donne un père, on ne le choisit pas :
On choisit le héros, on s’attache à ses pas ;
En suivant le sentier que sa gloire nous trace,
Il est beau d’oublier sa famille et sa race ;
On s’élève avec lui jusques à des hauteurs
D’où l’œil n’aperçoit plus ces viles profondeurs.
On est homme, monsieur, on n’est plus fils ou frère !
Pour moi, si le consul luttait avec mon père,
J’arracherais mon cœur s’il battait incertain
Entre l’homme de chair et l’homme du destin.

isaac, bas avec dégoût.

Cet homme fait horreur !

salvador.

Cet homme fait horreur !Enfants, voila la gloire !

albert.

Il est un plus beau sort, ah ! laissez-nous-le croire !
C’est de confondre enfin, dans un égal amour,
Et le héros et l’homme à qui l’on doit le jour ;
D’essayer d’être entre eux le nœud qui les rassemble,
D’aimer les deux en un, de les servir ensemble,
Et de faire à la fois, en les réunissant,
Le bonheur de sa race et l’honneur de son sang.
Mais la sœur du consul vient avec son cortège,
Elle monte un cheval aussi blanc que la neige :